Le câblage électrique sur les voiliers est souvent très anarchique, notamment parce que réalisé par étapes successives sans coordination ni prévision, par des intervenants à qualification faible en ce qui concerne les techniques de câblage, sachant que dans cette dernière catégorie il y a même quelquefois des professionnels.
Le but de ce petit mémo est de rappeler l’architecture générale possible pour la distribution électrique dans un voilier. Bien sûr, un problème a en général plusieurs solutions. Celle présentée ici est tout de même assez générale et adaptable.
(voir également et aussi)
Le principe
L’idée de base est la suivante : la distribution électrique basse tension (12V) se fait en 4 étages :
- les fournisseurs (=alternateurs et autres)
- le lieu de stockage (= les batteries)
- Le grossiste (= un tableau électrique près des batteries)
- la distribution de détail (= le tableau électrique habituel du bateau)
Le premier dessin montre les articulations entres ces 4 intervenants.
Le schéma simplifié
Le second dessin correspond au « grossiste », soit un tableau électrique particulier juste à coté des batteries. En effet, ce « grossiste » est en général le plus négligé, voire absent, dans les installations. Et cette lacune est très handicapante pour toute évolution ultérieure.
Une planche de 15 mm de CTP marine vernie généreusement, garnie de matériel électrique de provenance « bâtiment » ordinaire mais de qualité : boites à fusible, borniers sur socle à forte intensité, gaine annelée grise, beaucoup de thermorétractable, bande élastomère auto-vulcanisant, cosses à sertir de qualité, etc... fournis comme pour la maison, chez Castorama, Bricorama ou autres Leroy merlin.
Si ce point de distribution central est bien réalisé, tout sera plus simple après. Principe de base : prévoir la place, les composants, ET SURTOUT les gaines de distribution annelées (vides), pour tous les circuits, même ceux qu’on installera plus tard, ou même jamais. En effet, il est très difficile à posteriori de faire un ajout « proprement » s’il n’a pas été prévu initialement. La maîtrise de la mise en œuvre pratique fiable des composants ne peut malheureusement pas s’apprendre avec un texte ni même un dessin. Pour cela, rien ne remplace l’expérience concrète de l’amateur averti ou du professionnel consciencieux !
Le cahier des charges simplifié
Le « cahier des charges » de sécurité auquel répond ce circuit est le suivant :
- L’alternateur doit toujours être branché sur au moins un accu : on ne met jamais inopinément sur « off » la clé des batteries quand le moteur est en marche
- On ne met jamais en parallèle les accus, l’interrupteur « de secours » permet par combinaison avec les interrupteurs « moteur » et « servitude » de rediriger au choix chaque accus (moteur, servitude) vers chaque fonction (moteur, servitude).
- On a toujours un accu de « démarrage » moteur en bon état de charge, car il ne sert qu’à cela et est rechargé en priorité par le coupleur automatique.
- La clé « secours » doit être du type amovible, et hors de portée des « non informés » du bord ! Cela permet de ne pas finir par être obligé de naviguer en solitaire, pour cause de circuit électrique ingérable …
- L’alternateur et les panneaux solaires peuvent être branchés en aval (comme sur le dessin) ou en amont des coupe-circuit, en fonction de diverses considérations techniques qui dépendent de l’utilisateur. P ;ex. http://www.plaisance-pratique.com/s...
Quelques généralités bien utiles
En prime, pour fixer les idées, voici un petit lexique pour savoir quelle taille de batteries il vous faut et quelques autres détails :
- La batterie « moteur » aura environ de 70 à 150 Ah, pour un bateau de 9 à 14 mètres, soit un moteur de 15 à 60 CV. Comme elle ne sert qu’au démarrage, elle est rechargée en 10 minutes de moteur à chaque utilisation.
- Vous chargez vos batteries en moyenne par tranches de 24 heures de consommation. Cette idée découle de la pratique : charger plusieurs fois par jour serait fastidieux, et charger tous les 8 jours conduit à un parc de batteries disproportionné !
- Votre consommation journalière : c’est la première chose à savoir. Multipliez la consommation en ampères de chaque appareil par la durée moyenne de fonctionnement par 24 heures. Par exemple, feux de mouillage : 1,2 A fois 8 heures = 9,6 Ah. Faites la somme de toutes ces consommations. Pour un bateau de 12m correctement équipé en froid et pilote, vous arriverez facilement entre 50 et 150 Ah par jour. Vous arrivez à « N » Ah par jour, p.ex. 70 Ah.
- La capacité « C » des batteries : une batterie est rarement chargée à plus de 80% de sa capacité théorique. Elle ne doit pas être vidée en dessous de 50% de cette capacité théorique. Donc vous disposez de 80% moins 50%, soit 30% de sa capacité pour vos besoins quotidiens. Arrondissons à 1/3. Votre batterie doit donc avoir une capacité « C » de « 3 fois N » Ah, soit 210 Ah pour notre exemple de 70Ah.
- Intensité de charge de la batterie : Une batterie ne peut pas être chargée avec un courant « I » de plus de 20% de sa capacité, soit « I = 0.2 x C », dans notre exemple 42 A pour notre batterie de 210Ah. Il en découle que la durée de charge qui vaut « N divisé par I » sera toujours au moins de 1,6 heures soit 1h36 si votre batterie et votre méthode de charge sont optimisés, donc avec un chargeur ou alternateur de 42 A.
- Limites des alternateurs : un alternateur ne débite en moyenne que la moitié de sa puissance nominale. Comme en standard ce sont des alternateurs 60A à 90A qui sont montés sur les moteurs, on ne peut pas compter sur plus de 30 à 45A de charge moyenne, soit dans notre exemple une durée de charge de « N divisé par 30 » donc 2h20. Si l’alternateur a un régulateur « intelligent » à 3 séquences « boost, absorption, floating », cela va un peu plus vite.
- Section des fils : les fils trop fins sont calamiteux pour le bon fonctionnement de l’installation. On trouve dans le catalogues des ship (p.ex. Accastillage Diffusion) les sections en fonction des longueur de fils et des courants. Par exemple : 10 mètres aller+retour (distance 5m) et 15A : section 16 mm carré (typiquement batterie au tableau), 20 m (10m de distance) et 20 A : 35 mm carré (typiquement batterie à chargeur) ! Un calculateur de section est ici.
- Nature des fils : le mieux est de prendre du souple multibrin mais c’est très cher vendu au mètre par les ship... Mettre dans un tube annelé pour bâtiment, version qui supporte d’être noyé dans le béton (annelé très costaud).
- Tensions des batteries : la tension sur une batterie au repos et hors circuit depuis quelques heures indique à peu près son contenu en électricité. La correspondance dépend de la technologie de la batterie. Pour la plus courante (plomb et électrolyte liquide) la correspondance est approximativement la suivante :
- 100% 12,7V
- 90% 12,6V
- 80% 12,5V
- 70% 12,4V
- 60% 12,3V
- 50% 12,2V
- 40% 12,1V
Si votre batterie au repos ne fait plus que 12V, elle est mal en point, car il ne faut pas descendre sous 50% de charge…Ayez donc un voltmètre électronique digital numérique à bord (15 euros dans les grandes surfaces), vous saurez exactement ce qui reste dans votre batterie)
Voici les courbes typiques de tension et densité d’acide
Ces valeurs varient selon le constructeur et la technologie de la batterie. La tension baisse de 20mV par °C d’augmentation de température, et la densité de l’acide baisse de 0.01 par °C.
Mélange de type de batterie dans le parc servitude :
Dans une installation avec plusieurs batteries de servitude en parallèle, il faut absolument éviter de mélanger les genres, batteries classique, au gel, plomb-calcium, etc…car leurs tensions d’équilibres ne sont pas les mêmes.