L’Europe va être le centre de la surveillance maritime internationale et au coeur de ce dispositif la France aura un rôle prépondérant.
Tout change très vite et la techno suit ou devance les autorités.
L’origine des Garde-côtes en France
En ce début de siècle, la surveillance maritime est un domaine qui connaît de très fortes évolutions techniques et politiques. Et ce n’est qu’un début. Demain les navires seront suivis à la trace dans le monde entier. Vu de l’espace, le marin sera sous contrôle en tout point du globe. ![]()
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- D’autres événements moins médiatisés :
- En février 2001, près de Saint Raphaël, l’East Sea s’échoue en pleine nuit alors que le sémaphore le plus proche n’était armé que de jour et 910 kurdes débarquent sur la plage du Boulouris : coup de chaud sous les casquettes étoilées !
- L’histoire rocambolesque de l’évaporation du cargo letton « Arctic Sea » en 2009 dont la disparition a été traitée d’une manière on ne peut plus décontractée par les autorités. A comparer avec la réactivité que l’on connaît quand un avion disparaît des écrans. Ce cargo bénéficiait de tous les équipements obligatoires à bord ce qui signifiait que les pirates avaient une excellente dextérité pour les neutraliser.
Mark Dickinson, secrétaire général de Nautilus International, syndicat anglo-néerlandais d’officiers, avait déclaré au moment des faits : « Il est alarmant qu’un navire commandé par des pirates puisse franchir la zone maritime la plus fréquentée sans qu’aucune alarme ne se déclenche et qu’aucun navire ne puisse l’intercepter ».
Mais, bien sûr, ce sont avant tout les évènements du 11 septembre 2001 et le vent de panique qui s’est emparé des états qui ont été le catalyseur principal de cette politique sécuritaire.
De nouvelles entités de surveillance :
- L’accumulation de ces événements a déclenché la création d’un très grand nombre de réglementations et d’entités nouvelles qui s’enchevêtrent partout dans le monde et qui aboutissent à un immense filet dont le maillage est de plus en plus serré.
Des scénarii catastrophes liés au terrorisme, évoqués par des experts de la Marine Nationale fond froid dans le dos : envoi d’un méthanier géant bourré d’explosifs sur les docks du port de Singapour, carrefour mondial du trafic maritime, envoi d’un pétrolier géant par le fond dans le passage très étriqué du Détroit de Malacca désorganisant totalement les échanges internationaux.
Années après années, l’idée que la haute mer ne peut plus être une zone de non-droit a considérablement progressé : la nécessité récente de sécuriser la route du pôle nord ou les gisements miniers des grands fonds marins nous rappelle à cette refonte de la politique maritime internationale.
Les moyens techniques progressent sans cesse et sont mutualisés : les marines nationales sont sommées de coopérer entre elles et avec les instances civiles naissantes. Et ça marche. La question de la protection des territoires est devenue majeure. Le 21ème siècle sera celui de la surveillance des mers et des océans.
Un petit rappel utile : la France est la seule nation européenne à être présente sur tous les océans. Elle bénéficie de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) avec 11 millions de km2 et d’un plateau continental vingt fois supérieur à son territoire national.
Le Cabinet du Premier Ministre, le Secrétariat Général de la Mer et Le CIMER :
- Ca paraît un peu compliqué mais en France comme partout en Europe, en moyenne et selon les pays, la mer dépend d’une quarantaine d’administrations distinctes rattachées à différents ministères : ceux de la Défense et des Transports qui se taillent la part du lion, celui de la Pêche, du Budget, de l’Industrie, de la Justice, de l’Environnement, de la Santé, de l’Agriculture, de l’Emploi, de l’Equipement, de la Recherche, des Affaires Etrangères, de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, et même celui de la Culture.
C’est un peu la raison pour laquelle il n’y a jamais vraiment eu de Ministère de la Mer et ceux qui ont été mis en place n’ont pas résisté très longtemps à une capacité interministérielle forte sous l’autorité directe du Premier Ministre : c’est le Secrétariat général de la Mer. Son rôle est de veiller au grain : bilan de l’année, suivi des décisions qui ont été prises et organisation des réunions préparatoires au CIMER (Comité Interministériel de la Mer).
- Le CIMER a définit 47 missions incombant à l’état parmi lesquelles :
- protection du trafic maritime,
- gestion des installations en mer,
- police des pêches,
- police des stations radio-électriques,
- assistance médicale,
- intervention sur les navires en difficulté,
- signalisation maritime,
- informations nautiques et météorologiques,
- déminage en mer,
- protection des aires marines, ….
- Il a également fixé les priorités :
- narcotrafic,
- immigration clandestine,
- surveillance des pêches,
- trafic d’armes,
- contrebande,
- lutte contre les pollutions volontaires et accidentelles.
- C’est ainsi que le CIMER, en décembre 2009, a décidé de la création de la fonction garde-côtes. Voir également http://fr.wikipedia.org/wiki/Secr%C...
La fonction garde-côtes à la française.
- Rien à voir avec l’US Coast Guards, dont la création est antérieure à celle de l’US Navy.
L’US Coast Guards est un organisme civil né de la douane en 1790 : 37 000 agents, 243 navires soit une taille comparable à la Marine Nationale française.
- Optimiser l’existant :
Il s’agissait moins de créer un nouveau corps unique que de mutualiser et améliorer la coordination des différentes composantes qui interviennent au titre de l’action de l’état en mer. Chaque entité garde son identité propre, sa tutelle, son uniforme, ses spécificités et ses compétences judiciaires :- Marine Nationale (pour ce qui relève des missions civiles, soit ¼ de son activité),
- Service des Douanes,
- Affaires Maritimes,
- Gendarmerie Maritime,
- Gendarmerie Nationale,
- Sécurité Civile,
- Police de l’Air et des Frontières,
- Service des Phares et Balises.
Tout repose désormais sur une optimisation de l’existant et une clarté des objectifs confiés à une entité unique ayant le rôle d’armateur pour l’ensemble des moyens navals.
Les navires, les hélicoptères, les avions et tous les moyens techniques dispersés sont désormais étudiés, acquis, entretenus et opérés d’une manière coordonnée sous l’autorité du Secrétariat Général de la Mer et sur le terrain par les préfets maritimes de Cherbourg, Brest et Toulon. Il s’agit, par exemple, de revoir les bases d’implantation des hélicoptères de la Marine, de la Gendarmerie et de la Sécurité civile qui n’avaient pas tous vocation à intervenir en mer.
Progressivement, avec tact, fluidité et diplomatie, il y aura des embarquements croisés, des échanges de retours d’expérience de chaque corps, des points réguliers sur les réglementations, des formations communes aux agents des différentes administrations à la suite desquelles des certificats nationaux seront délivrés.
Il va falloir faire travailler ensemble des marins civils et militaires issus de deux armées : Gendarmerie et Marine ou issus de différents ministères.
- Un signe distinctif :
Le défi relève de la découverte spatiale dans les années 60 tant certains corps sont réticents à se mêler à d’autres par crainte de se diluer, de devoir lisser leurs prérogatives ou de devoir partager leurs informations ! Voilà qui devrait nous permettre d’approfondir le distinguo subtil qu’il y a entre les mots « coordination » et « unification ». Dans un premier temps, le seul signe véritablement visible de cette réorganisation seront les bandes tricolores sur les coques grises de l’ensemble des navires qui relèvent de cette fonction, signe distinctif qui est apparu pour la première fois en 2004.
Tout ça sent fort le syndrome du 11 septembre où, aux Etats-Unis, des indices dispersés dans plusieurs administrations n’avaient pu être corrélés.
Le COFGC (Centre Opérationnel de la Fonction Garde-Côtes) est installé à l’état Major de la Marine, rue Royale à Paris.
- Un centre de coordination :
Contrairement à ce que son appellation laisse entendre, ce n’est pas le centre de commandement des opérations qui restent conduites par les préfets maritimes et les CROSS. C’est un centre de coordination dirigé par un Capitaine de Frégate, armé d’une équipe de 16 personnes analystes des différentes administrations de manière à faire ressortir le « signal faible » dans une multitude de mouvements en mer.
Au printemps 2011, par exemple, c’est là que s’est coordonné à la fois le contrôle des pêches thonières, la lutte contre l’immigration clandestines et les opérations en Libye.
Les sources d’information du centre sont les réseaux : SafeSeaNet, CleanSeaNet, LRIT et les COM que complètent les rapports des navires, des avions et des hélicoptères des acteurs de la fonction garde-côtes en mission.
L’ensemble de ces informations est déversé dans un système informatique puissant qui analyse en temps réel l’évolution de la situation.
En activité 24h/24 et 365 jours/365 le centre observe, analyse, assure le suivi des navires ayant un comportement suspect et garde un lien permanent avec les acteurs des programmes de coopération divers tels que :- L’AESM et la coopération européenne dans son ensemble pour laquelle le centre est tête de pont,
- BlueMassMed, qui réunit les Etats membres de l’Union européenne et ceux riverains de la Méditerranée,
- Le NACGF (North Atlantic Coast Guard Forum) créé en 2007 à l’initiative du Canada qui réunit les états concernés par les approches de l’Atlantique nord. Composé de 20 pays riverains concernés par cette zone : Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Estonie, Etats-Unis, Finlande, France, Irlande, Islande, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume Uni, Fédération de Russie, Suède. La France préside le NACGF depuis 2011.
- Le Biscaye Plan, qui fixe depuis 1999 les modalités d’intervention entre la France et l’Espagne en cas de sinistre maritime dans le golfe de Gascogne.
- Le Rempec, organisme régional des Nations Unies dédié à la lutte contre la pollution en Méditerranée. Sa première opération de lutte contre les rejets illicites a eu lieu en octobre 2009. Au cours de cette opération qui portait sur une zone allant de Barcelone à Gênes, deux flagrants délits avaient été constatés dont un concernait un ferry entre Toulon et le Cap Corse ! Rempec utilise le système d’imagerie par satellite CleanSeaNet. A noter qu’en parallèle, cette même année, est né le premier réseau de procureurs antipollution en Méditerranée : 30 magistrats de neuf pays riverains : France, Maroc, Algérie, Tunisie, Liban, Egypte, Malte, Italie et Espagne. Le but, échanger sur les bonnes pratiques, les formations et l’harmonisation des poursuites et des sanctions contre les pollutions marines.
- le Frontex (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières de l’Union Européenne) basée à Varsovie,
- des agences de l’Otan.
- Le Comité directeur du COFGC se réunit 1 fois par an.
Il est présidé par le Secrétariat Général de la Mer. Il fixe les grandes orientations de la fonction garde-côtes. Il est composé de :- le chef d’état major de la Marine,
- le directeur général des Douanes et des Droits indirects,
- le directeur général de la Gendarmerie Nationale,
- le directeur général de la Police Nationale,
- le directeur des Affaires Maritimes,
- le directeur de la Sécurité Civile
- Selon les circonstances, peuvent y être invités :
- le directeur de l’immigration,
- le président de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer,
- le directeur général du SHOM (Service Hydrographique et Océanographique de la Marine)
- le président de l’Agence des aires marines protégées,
- les présidents d’organismes agréés pour les opérations de secours et de sauvetage.
Les Préfets Maritimes :
- Nos trois officiers généraux de la Marine nationale.
De gauche à droite : les VAE (Vice-Amiral d’Escadre) Bruno Nielly (Cherbourg), Yann Tainguy (Méditerranée) et Jean-Pierre Labonne (Atlantique).
En métropole, les trois Préfets Maritimes sont l’autorité opérationnelle de cette fonction.
Comme le COFGC, ils sont placé sous l’autorité directe du Premier Ministre.
En Guyane, en Martinique et à La Réunion ce rôle est assuré par les Préfets de Région,
A Saint-Pierre-et-Miquelon par le Préfet.
En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française par les Hauts Commissaires de la République.
Ils ont à charge de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour ce qui concerne la sauvegarde de la vie en mer, la lutte contre les pollutions et les activités illicites.
Le cas particulier de la Douane.
- Un cas à part :
Le Service des Douanes reste un cas à part : le Préfet Maritime n’en prend pas le commandement opérationnel, mais oriente son action.
La douane confirme ainsi son statut très particulier puisqu’elle est au premier plan dans la lutte contre tous les trafics, elle est en première ligne dans la lutte contre les pollutions grâce notamment à sa flotte d’avions Polmar équipés pour la détection des nappes d’hydrocarbures. Elle peut intervenir jusqu’à 24 milles des côtes, elle fait autorité dans le contrôle des pêches, elle dispose des droits d’injonction, d’arrêt, d’immobilisation, de visite, de poursuite des navires et de saisie des marchandises.
Les moyens humains et matériels à disposition :
- Des moyens considérables :
En 2010, les administrations qui participent à cette fonction de garde-côtes ont accompli 233 000 heures de mer et 12 660 heures de vol, ce qui correspond à 20 navires et 1,5 aéronef en service permanent durant une année.
- Les douanes : 650 marins, 37 navires dont 2 patrouilleurs de 43 mètres, 19 vedettes de 21 à 32 mètres (1 en Polynésie) et 16 vedettes de 7 à 14 mètres, 12 avions biturbines dont 2 avions Polmar de détection des pollutions, 5 nouveaux hélicoptères EC135.
- La Gendarmerie maritime : 1 100 militaires pas tous embarqués (missions de surveillance et de police sur le littoral), 6 patrouilleurs de 32 à 38 mètres, 24 vedettes de 20 mètres, 2 vedettes de 14 mètres, 43 embarcations pneumatiques.
- La Marine nationale : 50 000 marins (hommes et femmes), 140 navires, des hélicoptères et des avions qui peuvent intervenir à tout moment au nom de la fonction garde-côtes.
Certains navires sont spécifiquement dédiés au service public : 6 PSP (patrouilleur de service public) d’une cinquantaine de mètres, des remorqueurs, des bâtiments de surface en propriété ou affrétés (Abeille Bourbon, Abeille Liberté, Abeille Flandre, Abeille Languedoc) et des bâtiments de lutte contre la pollution. Elle possède également des hélicoptères basés à terre (EC25, Dauphin) ou embarqués (Panther) prêts à intervenir pour des missions de service public.
Curieuse mission pour des navires de guerre : c’est en raison de leur hélicoptère embarqué que des frégates interviennent pour le contrôle des pêches au thon en Méditerranée. - La Sécurité civile et ses hélicoptères nommés Dragon qui sont des Alouettes III, des EC145, des AS350 Ecureuil répartis sur 13 bases côtières.
- Les Affaires maritimes(1) emploient 280 fonctionnaires tous dédiés à l’armement de 70 navires de taille diverses. Une flotte de 3 patrouilleurs de 46 à 52 mètres dont un ancien navire braconnier saisi puis reconverti, en service à La Réunion.
- La SNSM ne fait pas partie de la fonction garde-côtes mais en raison de leur rôle dans le sauvetage de personnes et du fait du maillage sans égal (223 stations, 600 embarcations), elle est associée aux travaux du comité directeur et prise en compte dans la répartition des moyens de la côte.
(1)Depuis 2010 les Affaires Maritimes et le service des Phares et Balises ont été regroupés au sein d’une nouvelle administration : les Dirm (Direction Interrégionales de la Mer).
Plus de 3 300 fonctionnaires et contractuels sont maintenant chapeautés par 4 grandes directions dotées d’une compétence élargie et constituées non plus par région mais par façade maritime :
- Le Havre, du Mont Saint Michel à la frontière belge
- Nantes pour le nord de la façade Atlantique
- Bordeaux pour le sud de la façade Atlantique
- Marseille pour la Méditerranée.