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Des origines de la voile latine 15 novembre 2017 01:16, par pacolarameIl est en effet tout à fait intéressant de noter la similitude de la pensée et de la technologie vers la voile latine dans différentes zones maritimes sans contact vraisemblable. Le cas d’école étant la mise en correspondance de la Méditerranée et de la zone polynesienne, d’autant plus que les projets locaux de carène y sont très différents.
En fait ,nous regardons dans les deux cas le passage d’une voile de poussée, simplement tendue ou soutenue dans le vent, au départ avec des bois ramassés servant d’antennes ( vergues primitives) , vers une voile orientable d’abord simplement vers l’extension de l’arrière vers les largues, puis le travers et en fin de l’évolution, un certain gain au vent.
Lorsque l’on regarde les images des différentes solutions imaginées, l’invention du mat, à la fois pivot et soutien, me parait une étape cruciale dans la progression.
Ce qui est aussi frappant, est que contrairement à la démarche de la voile poussée vers la voile propulsive, la chronologie est très hétérogène, d’autant plus qu’il est difficile d’imaginer des contacts entre ces deux zones de navigation très éloignées, sauf à imaginer le cas peu probable d’un transit des plans dans les valises de Marco Polo.
Notamment, la voile latine n’apparait que tardivement en Méditerranée, vers le XV- XVIeme siecle si j’ai bien vu.
Il faut donc chercher ailleurs une explication. Celle ci me parait pouvoir être trouvée si on change le point de vue. Notre monde actuel a tendance à inventer l’outil et se demander quoi en faire après.
Dans une économie de faible productivité , d’échanges rares et précieux, de technologie dont l’outillage encore faible, on devrait à mon sens prendre un point de vue de type analyse des besoins / analyse des moyens disponibles / réalisation et retour d’expérience .
En premier élement d’analyse de besoin, nous trouvons le demande d’échanges commerciaux cotiers, echanges entre zones plus lointaines, fréquence de ces échanges - ainsi la voile latine en Méditerranée apparait à une époque de fort développement du trafic interrégional, tentant donc de s’affranchir du simple aller retour annuel entre bassins de croisière. Rapidement, avec l’extension des échanges, la taille des bateaux , les besoins de sécurité liées à la vitesse, l’évolution de la voile latine amèneront des navires à « voile latine fragmentée »,
Dans la même période, la navigation militaire sur des objectifs de présence de la puissance, mais aussi de protection des lignes, avec une stratégie de rapidité, développera les galères, navires immondes mais capables de se déplacer en Méditerranée par toutes les directions de vent et habituellement gréés d’une voile triangulaire. Un de ces bateaux est extraordinairement reconstitué en taille réélle au Musée de la Marine de Barcelone. De magnifiques maquettes sont visibles à Toulon.
En Polynésie, avec des schémas de carène très différents , les populations venues de régions comme la Papouasie , auront des besoins d’expansion vers l’Est, dès 2 à 3000 avant JC avec déjà dépassement de la voile de poussée. L’historiographie semble indiquer en fin de premier millenaire de notre ère , une implantation humaine dans les iles de la Société et les Marquises, à partir de laquelle se fera une expansion vers Hawaii ou l’Ile de Paques. L’implantation dans les iles habitables étant terminée vers l’an 1000. Si on regarde les cartes de vents, alizés SE dominants et circulation des perturbations d’ouest en est , on peut admettre qu’une voile de poussée ne permette pas d’atteindre l’objectif.
Les besoins d’échanges regionaux ou interrégionaux développent des technologies, facilement recopiées pour la circulation locale, pour laquelle la mobilité est un atout évident ( petite pêche cotière en Méditerranée ou en lagon ailleurs. )/ De tels voiliers locaux, sans motorisation fonctionnent encore dans des endroits comme le Cap Vert ou Haiti ( j’ai eu l’occasion assez récemment encore d’utiliser le bornier local , joliment appelé « bois-fouillé », manoeuvré uniquement à la voile, pour me rendre au marché .
Une telle façon de voir pourrait donc contribuer à expliquer l’absence d’une origine unique de la voile triangulaire, que nous appelons latine.