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Publié Octobre 2021, (màj Octobre 2021) par : yoruk |
Roquio est le nom du premier bateau à vapeur de la Compagnie de navigation de la Basse-Loire assurant, entre 1887 et 1958, un service de passagers entre Nantes et le village de pêcheurs de Trentemoult. Le terme de roquio s’est généralisé à chacun des huit bateaux composant la flottille assurant les traversées de la Loire jusqu’en 1970.
On a du mal aujourd’hui à se représenter l’importance historique des services passagers fluviaux à Nantes. La Loire était une frontière, et Nantes une citée lacustre. La comparaison avec Venise est excessive, cependant les liens existaient. Curieusement, c’est à Nantes que furent construits les premiers vaporetti vénitiens voir note : [1]
Les comblements de Nantes sont des opérations d’aménagement urbain menées de 1926 à 1946 dans le centre-ville de Nantes. Ils ont principalement abouti à la suppression des deux bras de la Loire les plus au nord — le bras de la Bourse et le bras de l’Hôpital — et au détournement d’un affluent du fleuve, l’Erdre, dont le cours et l’embouchure ont été déplacés vers l’est, la rivière se jetant depuis dans le canal Saint-Félix aménagé à cette occasion, via un tunnel. Ces travaux et les aménagements qui ont suivi ont marqué l’urbanisme de la ville jusqu’au XXIe siècle.
La formule est surtout reprise après le début des comblements, magnifiant exagérément les caractéristiques de la ville avant les travaux. La ville compte en effet 28 ponts, principalement dans le centre-ville et dans « les îles », ce qui lui donne un certain charme, cité, dès le XVIIe siècle sous la plume du cartographe Albert Jouvin de Rochefort (1640-1710) :
Ce qu’il y a de divertissant à Nantes, sont ces ponts de pierres qui traversent plusieurs îles (...)
Nantes doit beaucoup au fleuve qui la traverse. Située à une cinquantaine de kilomètres des côtes, la ville s’est formée en tant que carrefour fluvial et terrestre, et s’est développée grâce à la prospérité du commerce maritime, devenu l’activité principale au XVIe siècle, les navires nantais empruntaient l’estuaire de la Loire, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, où le port de Nantes était un des plus importants en France du XVIIIe siècle, ce qu’il n’est plus aujourd’hui.
Au fil du temps, l’activité portuaire s’est déplacée vers l’ouest. Au XIXe siècle, la ville utilise des avant-ports (Paimbœuf, Le Pellerin), fait creuser le canal de la Martinière. De 1902 à 1922, de nouveaux quais sont aménagés à l’aval de Chantenay-sur-Loire et sur la partie Est de l’actuelle île de Nantes. La ville a réussi a éviter de perdre son activité portuaire face à l’essor de Saint-Nazaire depuis 1856, mais cette volonté conduit à l’abandon du centre-ville comme pôle principal, et même au sacrifice de celui-ci pour permettre la viabilité du nouveau port.
Au début du XVIIIe siècle la recherche de terrains pour la spéculation immobilière conduit à l’aménagement de l’île Feydeau, sur un remblai gagné sur la Loire, à partir d’un banc de sable prolongeant l’île de la Saulzaie. Les bords des cours d’eau sont dès lors, malgré les difficultés techniques, sujets à convoitise.
L’île de Versailles, née de dépôts d’alluvions et consolidée au XVIe siècle par saint Félix, est viabilisée au début du XIXe siècle avec des gravats extraits lors de l’aménagement du canal de Nantes à Brest. Mais le principal site de gain d’espace sur les cours d’eau se trouve dans les îles de Loire.
En un siècle, entre 1770 et 1870, de vastes zones sont remblayées, et l’ensemble commence à former une grande île, parcourue de boires (bras mineurs de la Loire). Si bien qu’au début du XXe siècle, le comblement des boires des îles se poursuivra, donnant à l’ensemble un aspect se rapprochant de la future « île de Nantes » (les derniers comblements y ont eu lieu dans les années 1970)
Après la phase du négoce florissant, c’est l’industrie qui dynamise la ville depuis le milieu du XIXe siècle. Le fer de lance en est la construction navale. Mais le changement d’échelle de production a déplacé l’activité vers l’estuaire, du quai de la Fosse à Saint-Nazaire. Alors que l’activité portuaire est à son apogée, la fonction économique des cours d’eau autour de l’île Feydeau devient négligeable.
Par contre, les acteurs économiques liés au port font en sorte que tout soit mis en œuvre pour maintenir la viabilité du site. Pour permettre aux gros tonnages de fréquenter les chantiers navals et le port, des travaux importants sont menés, notamment le creusement du lit du fleuve, la suppression pure et simple de l’île Mabon, et la création de l’éphémère canal de la Martinière. Les sommes engagées dans ces opérations sont importantes, les moyens techniques mis en œuvre colossaux, mais les améliorations ne sont que passagères. C’est dans ce cadre que les comblements, bien que coûteux, sont envisagés.
Les risques climatiques
Dans la région, la vallée de la Loire subit des inondations causées par les crues du fleuve, notamment en 1904 et 1910. Cette dernière est particulièrement importante, Nantes est fortement touchée, et subit un profond ralentissement économique. Cet épisode marque les esprits, et les aménagements destinés à atténuer les crues de la Loire sont attendus avec impatience
La sécurité des infrastructures
Devant l’augmentation croissante du tirant d’eau des navires marchands, les responsables de la ville sont confrontés au problème de l’ensablement chronique de la Loire. Des opérations de dragage sont menées, mais l’abaissement du fond du fleuve entraîne l’augmentation du courant. Cela aura pour effet de fragiliser les quais. En 1924, plusieurs incidents surviennent : en mai, le quai Magellan s’effondre, suivi par le pont de Pirmil et une cale de l’île Feydeau. Cela s’ajoute à la fragilité constatée des quais de la Bourse et Hoche.
Autre facteur fragilisant, la ligne de chemin de fer conduisant vers Saint-Nazaire emprunte les quais depuis 1857. Lors de la Première Guerre mondiale, la voie est doublée, et les quais sont également utilisés pour le tramway. Cette activité ferroviaire contrarie également la circulation automobile naissante : le tronçon de 4,7 km entre la gare de Nantes et celle de Chantenay compte 24 passages à niveau, provoquant chacun 80 à 120 interruptions par jour. L’éventualité d’un comblement des bras nord de la Loire est accueillie par la municipalité comme une solution de désengorgement.
La sécurité sanitaire
l’abaissement saisonnier du niveau de l’eau entraîne l’assèchement périodique de vastes zones : le bras de l’Hôpital est par exemple hors d’eau une bonne partie de l’année. Durant ces périodes, les émanations des dépôts en décomposition incommodent les citadins. L’Erdre est également réputée pour les odeurs qu’elle dégage et la pollution qu’elle subit. L’eau en centre-ville est donc perçue comme un facteur d’insalubrité
La décision politique privilégiera le court terme, avec la bénédiction des acteurs économiques et financiers, l’individualisme permettra le comblement de la lagune nantaise. Nous ne pourrons que nous souvenir du Roquio et de ses pérégrinations fluviales.
Aujourd’hui seules Les Salorges, le quai des Antilles, Trentemoult et Chantenay restent en eaux. Tout le reste a été bétonné sur un triangle allant des Salorges au tunnel Saint Felix et au débouché de l’Erdre canalisée.
Ces navettes, embarquaient jusqu’à cent passagers qui s’installaient confortablement soit à l’abri sur les bancs vernis du salon arrière, soit en plein air sur les bancs de fer ceinturant la plage avant du bateau. Un taud les protégeait du soleil ou de la pluie. La navigation n’était pas toujours de tout repos, l’intense activité du port, les conditions atmosphériques, le pont transbordeur et sa nacelle demandaient au pilote une attention de tous les instants.
Sources
[1] On peut d’ailleurs rappeler que les sept premiers vaporetti de Venise ont été construits à Nantes entre 1880 et 1882.