Pratiques et Techniques en Plaisance
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La pollution biologique du carburant
dimanche, 12 juin 2011
/ Négofol /

Ingénieur de l’Armement, Cadre dans l’industrie, Retraité....

Le carburant que nous utilisons dans nos moteurs est un mélange d’hydrocarbures, donc un produit organique susceptible d’entretenir la vie de microorganismes, surtout en présence d’eau.
Le problème de la pollution par les microorganismes s’est posé dès le début, et des études apparaissent dès 1930, mais ce problème n’était pas critique pour l’utilisation dans les chaudières des navires à vapeur, du fait de la taille des injecteurs utilisés. Le problème a commencé à devenir sensible sur les navires Diesel où des systèmes de filtrage ont du être mis en place (notamment centrifugeuses).
A noter que le problème n’était pas significatif sur les moteurs à essence, du fait de la nature du produit (chaînes carbonées courtes C5 à C9) et des divers additifs, notamment antidétonants, accessoirement efficaces pour empêcher la prolifération.
Le problème est devenu critique et très étudié dans les années 60, avec la généralisation des turboréacteurs pour les avions et des turbines pour les hélicoptères. En effet, le carburant utilisé, proche du gazole, est sensible à la prolifération microbienne et les contraintes d’environnement et de débit rendent impossible l’emploi de filtres à bord.
Par ailleurs, l’apparition de moteurs Diesel de plus en plus performants sur les voitures et nos bateaux amène à des contraintes de plus en plus grandes sur la propreté du carburant : les injecteurs pour moteurs à rampe commune ont des trous de 100 à 150 µm (0,1 à 0,15 mm) de diamètre.

Les conditions de stockage du gazole sur les bateaux de plaisance sont particulièrement défavorables à ce point de vue : humidité ambiante élevée (d’où aspiration d’humidité dans les réservoirs du fait de la « respiration » liée aux variations de température), stockage de longue durée, températures ambiantes élevées (réservoir souvent proche du moteur).

La nature du problème
Le gazole est un mélange d’hydrocarbures avec des chaînes carbonées entre 12 et 22 atomes de Carbone, avec un point d’ébullition entre 150°C et 400°C. La composition exacte varie de pays à pays, au cours de l’année (gazole hiver ou arctique) et même entre raffineries.
Des additifs sont utilisés pour améliorer la stabilité du carburant : amines aliphatiques, agents de chélation, ou inhibiteurs de corrosion qui peuvent être aussi des nutriments pour les microorganismes. Le gazole est le carburant qui présente la plus grande variété de type de contamination microbienne.
La contamination débute dans les réservoirs des raffineries, se poursuit dans les citernes des pompes et continue dans les réservoirs du bateau : il n’y a pas de génération spontanée, toute contamination provient de carburant déjà contaminé.
De nombreux microorganismes ont été isolés (voir l’étude en référence pour les curieux…), les plus typiques étant : une bactérie Pseudomonas aeruginosa, une levure Candida tropicalis et un champignon Cladosporium resinae. La contamination se traduit par la création de dépôts en fond de réservoir, une émulsification du carburant par effet tensio-actif qui perturbe le fonctionnement des filtres de séparation d’eau à coalescence (type RACOR),des risques de corrosion des éléments du circuit carburant (le pH devient acide) et surtout un risque de blocage des filtres par les impuretés créées. Diverses souches dominent suivant la localisation géographique, la zone intertropicale étant particulièrement riche…

Bol de filtre
Fond de réservoir

La lutte contre la contamination :
Tout d’abord, il convient de limiter l’introduction de sources de contamination. En particulier, dans la mesure du possible, faire le plein chez un fournisseur réputé et ayant un fort débit, éviter les « fonds de cuve », de préférence pas de plein à partir de fûts, séparer l’eau en cas de doute (entonnoir avec feutre ou tamis de coalescence).
En particulier, dans certains pays « exotiques » utilisant les fûts comme logistique, la pratique de remplacer un peu du carburant détourné par de l’eau est assez répandue et peut avoir des effets catastrophiques (c’est la première cause d’accidents d’hélicoptères en Afrique…).

Diagnostic :
Il existe des kits d’analyse permettant de savoir si un carburant est contaminé : Merck (plutôt labo), Hammonds (plutôt terrain). En général, ce type de test est plutôt utilisé par les pétroliers, les signes de contamination au niveau utilisateurs étant évidents : filtres bouchés par dépôts noirâtres, boues dans le réservoir.

Kit d’analyse
Echantillons
Résultats après 36 h

Préventif :
Maintenir le circuit propre, notamment en vidangeant régulièrement l’eau et les boues qui peuvent s’accumuler au point bas du réservoir (drain si existant ou aspiration par une trappe de visite qui devrait toujours exister : une bonne méthode est alors d’utiliser une seringue de vidange d’huile ou un système aspirateur d’huile moteur). Vider fréquemment les bols des filtres décanteurs. Faire le plein avant l’hivernage pour limiter le volume d’air « respirant », donc l’entrée d’humidité. La contamination ne peut se développer sans présence d’eau.
L’adjonction systématique de biocide est efficace pour empêcher toute prolifération.

Curatif :
Si le circuit carburant est contaminé, la seule solution est un nettoyage complet, avec rinçage avec du gazole additionné de biocide à la concentration « choc ». Le remplacement de tous les filtres (préfiltre séparateur, filtre moteur) s’impose. La seule adjonction de biocide à concentration élevée, promue par beaucoup de vendeurs de produits, peut être suffisante, mais les cadavres des microorganismes restent dans le circuit et peuvent quand même bloquer les filtres.
A noter que l’adjonction de bio-diesel, même propre, peut avoir pour effet de remettre en suspension, du fait des additifs ajoutés pour la miscibilité, les dépôts anciens et ainsi amener un blocage soudain des filtres.

Biocides :
De nombreux produits sont proposés dans le commerce.
Parmi les plus sérieux, on peut citer :

Remarque :
On trouve des publicités, notamment sur Internet, pour des systèmes sensés détruire les bactéries du carburant par champs magnétiques, sans additifs. Les essais officiels sérieux de ces matériels ont montré une efficacité nulle. La race des pigeons est immortelle...


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