Si on consulte le site Météo France, on trouve cette rose des vents pour les vents de Méditerranée.
Eh bien, c’est faux ! Une invention de Parisien…
En effet le terme de Tramontane est un terme d’origine italienne, semble-t-il, apparu tardivement : la première mention de Tramontane (tramontana) date seulement de 1276 (Raymond Lulle, le livre de contemplation de Dieu)
Le Cers et le Mistral sont les grands vents de la côte méditerranéenne.
Les zones d’influence de ces vents se répartissent approximativement ainsi.
Le Cers :
Le terme historique est le Cers.
Le Cers, est un vent venant du nord-ouest de Narbonne, parfois très violent, soufflant dans le Languedoc près de la côte méditerranéenne. Il est toujours sec, mais est froid en hiver et parfois très chaud en été.
Les Romains considéraient que c’était grâce à lui que Narbonne (la capitale quand même...) était salubre (= pas de paludisme) En effet, il est sain et assèche, fait partir les moustiques et dégage le ciel des nuages.
Ils ont donc fait du Cers un dieu « Cercius » et lui ont élevé un temple (sur le Mont Saint-Cyr, (Sanctus Circius suite à récupération par les chrétiens, qui ne se sont pas foulés pour le rebaptiser…) entre Ouveillan et Sallèles, édifié en 14 au nom de l’empereur Auguste, 48 m d’altitude, coordonnées 43.266099, 2.960143 si vous êtes curieux).
A noter qu’en grec ancien, le mot Χῶρος désigne également le vent du Nord-Ouest, et ils étaient là bien avant les Romains (Ensérune au VIIème siècle avant JC, 13 km ENE du Mont Saint-Cyr).
Ce nom est attesté anciennement, notamment :
Caton l’Ancien,
Les Origines, VII : (IIe siècle av. J.Cl) :
« Le vent Cercius s’engouffre dans la bouche quand on parle. Il est si violent qu’il ébranle un homme armé et même un chariot chargé. »
Sénèque,
De Natura Rerum, Livre V, XVII (62 ap. JC( :
« L’Atabulus tourmente l’Apulie, l’Iapyx la Calabre, le Sciron Athènes, le Catégis la Pamphylie, le Circius la Gaule. Bien que ce dernier renverse même des édifices, les habitants lui rendent grâces ; ils croient lui devoir la salubrité de leur ciel. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’Auguste, pendant son séjour en Gaule, lui voua un temple qu’il bâtit en effet. »
Pline l’Ancien (qui était un marin, entre autres Préfet de la flotte de Misène) Naturalis Historia Livre II, XLVI (vers 77 ap. JC) :
« Dans la Narbonnaise, il est un vent très célèbre, le Circius, qui ne le cède en violence à aucun, et qui la plupart du temps porte à Ostie en droite ligne, à travers la mer de Ligurie. »
A noter qu’à l’époque Narbonne était le deuxième port de la Méditerranée après Ostie, d’où la pertinence de la remarque.
Météorologie :
Le contexte météorologique favorable à l’établissement du Cers (et du Mistral, souvent associés, mais pas toujours) est une zone anticyclonique sur le proche Atlantique se prolongeant vers l’Espagne et le Sud-ouest de la France.
Cette zone de hautes pressions va générer un flux de secteur nord à nord-ouest.
Une dépression sur le Golfe de Gênes ou sur la mer Tyrrhénienne va resserrer les isobares.
Les chaînes de montagnes du Massif central et des Pyrénées vont finir de renforcer ce vent en raison de l’effet venturi.
Le Cers souffle en Narbonnais, d’ouest à nord-ouest, en moyenne 245 jours par an.
Il est à noter que le Cers est généralement plus violent que le Mistral. Il en est de même pour le nombre de jours ventés par an, n’en déplaise aux Provençaux.
Une ville comme Perpignan observe en moyenne 115 jours de vent violent par an (uniquement pour le vent de terre) contre 58 pour Nîmes. Ainsi, en moyenne, la tramontane souffle deux fois plus de temps à Perpignan que le mistral à Nîmes.
La rose des vents de la station de Carcassonne le montre bien (et le record enregistré est de 184 km/h en 2 009)
La Tramontane
Le cers n’est pas une tramontane, mais au contraire, un vent de plaine, il passe entre le Massif central et les Pyrénées par le seuil de Naurouze.
Le nom Tramontane est donc un néologisme relatif qui n’est pas ou peu employé localement.
On ne l’utilise guère
- qu’entre Montpellier et Sète (où il désigne plutôt le vent du NNO, qui descend des Cévennes)
- et en pays catalan (où le terme est justifié, le vent passant au-dessus des contreforts des Pyrénées). Le cers devient la tramuntane à partir de Salses et jusqu’au sud de Barcelone, puis vers Tarragone, il redevient le cers (en catalan el cerç).
Un effet de foehn est possible, notamment en Roussillon.
A noter qu’en Italie, notamment en Ligurie, le nom de tramontane (qui désigne le vent du Nord venu des Alpes) fut aussi donné à l’étoile Polaire, car tout comme l’astre elle indique le nord
Vx. On donnait (...) jadis en Italie le nom de tramontane à l’Étoile polaire, parce qu’elle indique le côté du nord (BOUILLET1859) .
Par opposition naitra l’expression « perdre la tramontane » (traduction littérale de l’italien « perdere la tramontana », attestée surtout au XIXème siècle) signifiant perdre le nord ou être désorienté, égaré, voire avoir perdu la raison. Victor Hugo, dans son recueil de poèmes « Les rayons et les ombres » (1837), dira à propos de la tramontane : « Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou ».
De manière plus contemporaine dans la chanson de Georges Brassens « Je suis un voyou », le chanteur (qui était de Sète) utilise aussi cette expression pour signifier son désarroi : « J’ai perdu la tramontane en trouvant Margot... ».
Le terme aurait été importé à Sète par les Italiens (en occitan, on dit plutôt perdre l’estele).
Du point de vue nautique :
Typiquement, en juillet-août, il fait très beau et chaud, grand ciel bleu, l’eau est bien bleue et calme au bord (mais froide (16°C, voire moins !) à cause d’un upwelling car l’eau de surface est repoussée au large) mais à 500 m du bord on a un bon 5 ou 6, d’où problèmes fréquents avec véliplanchistes ou autres amateurs de plaisirs nautiques…
Sur les régions côtières du sud de la France, si le vent de terre laisse la mer blanchie, on n’observera pas pour autant de vagues significatives. Mais le puissant Cers pourra facilement générer des vagues de 5 m ou plus au large.
La courte « période » de ces vagues les fera déferler, rendant la navigation particulièrement éprouvante pour les bateaux et leurs équipages.
Les hautes digues qui protègent les ports du nord des Baléares attestent de la violence de l’assaut des vagues de tramontane.
Beaucoup de navigateurs gardent un mauvais souvenir du passage du Cap Béar (où on a mesuré une rafale à 202 km/h (110 kts) en avril 1979)…
Malgré sa violence, le Cers/Tramontane est essentiel à l’équilibre des écosystèmes marins côtiers. En effet en poussant les eaux des lagunes vers la mer elle leur permet de se renouveler et d’oxygéner le milieu.
Au final, aucune statistique ne prouve que le nombre de jours avec du Cers est en augmentation ces dernières années, certains anciens prétendent même le contraire. Ce vent fait partie du climat local et cela ne date pas d’hier.